De l’hydrogène pour propulser la pêche du futur

Avr 11, 2023 / par admin / dans Actualités / Commentaires fermés sur De l’hydrogène pour propulser la pêche du futur

C’est l’Anita Conti, l’un des 9 chalutiers de l’armement de Julien Le Brun qui a été retenu pour étudier l’intégration d’une pile à combustible hydrogène. Il s’agit de la première phase du projet PILOTHY, lauréat de l’AMI de la Région Bretagne, que portent les entreprises de l’Interprofession du port de Concarneau. L’objectif est de trouver une alternative au gazole cher et de faire un pas vers la décarbonation. Un enjeu majeur pour la pêche, comme en témoigne Julien Le Brun.

Pourquoi avoir accepté de prendre part au projet PILOTHY?

Julien : Aujourd’hui nous sommes beaucoup de pêcheurs à nous demander si nous serons encore là demain. Nous avons de moins en moins de visibilité et la flambée du gasoil ne fait qu’accentuer les difficultés. Alors quand Jean-François Ansquer m’a proposé de mettre l’Anita Conti à disposition pour tester la faisabilité d’une conversion avec une propulsion hydrogène, j’ai tout de suite dit oui. Même si la réponse n’est pas immédiate, il nous faut trouver d’autres sources d’énergie. J’ai bien conscience que le chemin sera long mais il faut aller de l’avant. J’ai bien essayé, mais je n’ai rien trouvé de vraiment efficace pour réduire la consommation. L’équipage réduit sa vitesse et sa consommation en route mais c’est insignifiant. La réponse ne viendra pas des marins mais de spécialistes et de techniciens qui planchent sur la question.

Coprexma connait l’Anita Conti qui semblait être le plus adapté à cette réflexion. Tout en restant un navire côtier, ce navire, qui plus est construit à Concarneau, est plus grand que les autres. Avec ses 17,30 mètres et une grande cale, il a la capacité potentielle pour accueillir de nouveaux équipements et un système H2.

Qu’attendez-vous de cette étude?

Notre flottille est beaucoup trop dépendante au gasoil. Ce n’est plus viable économiquement et cela a aussi un impact sur l’environnement.  La part de carburant dans l’exploitation de mes bateaux oscille entre 20 et 30%. Paradoxalement l’Anita Conti est celui qui consomme le moins à l’armement (10% de moins que les autres).

A cela s’ajoute une augmentation globale des coûts d’entretien, d’achat de matériels… nous arrivons au bout du modèle. La flottille chalutière peut encore s’en sortir si l’armateur n’a pas d’emprunts. Mais avec des crédits et des navires anciens qui nécessitent de gros investissements en entretien, ce n’est pas viable. Il faut vraiment trouver des alternatives sinon on risque de ne plus entretenir nos navires.

Le prix du poisson a augmenté et la ressource est là ; cela ne suffit pas?

Oui c’est vrai, j’ai réalisé un excellent chiffre d’affaires en 2022. Mais chacun de mes navires me coûte environ 15K€ de frais fixes par mois (l’emprunt, l’assurance, les charges sociales, le matériel, l’entretien…), sans compter le carburant ; c’est énorme. Et il est hors de question de pêcher plus.  L’armement compte 9 navires et pour chacun c’est 250 jours de mer par an maximum avec des équipages qui tournent cela représente 160 jours en mer maximum par marin.

Nous avons trouvé un équilibre bénéfique aux marins, à l’entreprise et à la ressource. Cela laisse le temps à la nature de se reposer et à la ressource de se renouveler. C’est aussi l’assurance d’une meilleure qualité de vie pour les marins. Pêcher plus aurait de graves conséquences sur la ressource comme sur les hommes.

Vous avez énormément investi ces dernières années, quel bilan en faites-vous?

La question du gasoil a toujours été récurrente. Déjà en 2008, 2009, 2010 les professionnels se sont réunis mais on n’a pas vraiment avancé. Cette fois on est vraiment au pied du mur. Si je fais le chemin à l’envers, je n’aurais pas fait une série de chalutiers de fond exclusivement. J’aurais construit des navires polyvalents équipés aussi avec des arts dormants, moins gourmands en carburant et moins impactant.

Il faut plus d’efficacité aujourd’hui et il faut décarboner. Pour cela nous avons besoin d’être accompagnés, par des spécialistes d’une part et par l’État, l’Europe et tous ceux qui voudront bien financer cette transformation.

Vous avez d’autres projets?

Pour certains le PAI est la solution. Moi je veux construire le navire de demain au niveau énergie. Alors oui, je mets l’Anita Conti au service du projet PILOTHY et je réfléchis à d’autres solutions. Je travaille actuellement sur un projet de navire polyvalent qui serait équipé avec systèmes pour décarboner la pêche.

« A titre expérimental » je souhaite tester des engins art dormant comme le casier à langoustine et nasse à poisson en zone hauturière. L’idée serait aussi d’utiliser d’autres sources d’énergie. Je travaille avec Coprexma sur le sujet et j’envisage de répondre à l’AMI « décarbonation des navires de pêche et aquacole » au titre du FEAMPA Innovation et de solliciter le fonds décarbonation annoncé par le secrétaire d’État à la Mer, Hervé Berville.

Lu sur Hook and Net