Sep 1, 2021 / par admin / dans Actualités / Étiquettes : Architecture navale, coprexma, navire, Pêche, refit / Commentaires fermés sur Hissez haut, SanTiago
« Tiens bon la vague et tiens bon le vent… » Il y a de quoi être fier d’être matelot à bord du SanTiago. Après huit mois de travaux de transformation suivant les plans de Coprexma, l’ancien chalutier Commodore, devenu bolincheur, a été mis à l’eau fin juillet au Guilvinec. Il s’apprête à rejoindre la flottille de Saint-Guénolé où il débarquera sardines et anchois pêchés en baie d’Audierne et au large de Douarnenez.
Le navire, 15,87 m de long pour 5,56 m de large, a été mis en chantier fin 2020 au chantier naval Hénaff juste après Les Antilles II. L’essentiel des travaux de transformation de l’ancien chalutier en bois a consisté dans la modernisation du pont de travail et du pavois pour améliorer le confort de l’équipage et s’adapter aux contraintes du métier.
« Nos charpentiers ont entièrement refait le pont pour intégrer dans la cale les nouvelles cuves à poisson, d’une capacité de 18 m3 (15 tonnes de sardines), indique Pauline Hénaff-Jézéquellou, présidente du chantier. Le pavois avant a été modernisé. Une superstructure en aluminium a remplacé l’ancienne en acier, permettant d’alléger le navire et d’assurer une parfaite stabilité. La nouvelle passerelle, plus moderne, intègre la cuisine et la timonerie. Le poste équipage a été réaménagé. La coque a été recalfatée pour en assurer l’étanchéité. »
Le nouveau bolincheur a conservé son moteur Caterpillar de 279 kW qui fera l’objet d’une refonte ultérieure. L’armateur conserve aussi une partie de l’équipement électronique de son ancien navire. En revanche, tout l’équipement hydraulique est neuf : SanTiago disposera d’une grue de salabardage Heila, d’un treuil de coulisse et de boxeurs avant et arrière fournis par Bretagne Hydraulique.
Jean-Marc Bouguéon a confié à l’architecture et les études du projet à Coprexma, dont il connait la réputation et l’expertise, prenant aussi comme référence la récente refonte de La Sardane dont le patron est l’un de ses amis.
Le jeune armateur a fait appel à Ronan Touly, INTEX Consulting pour assurer la maîtrise d’œuvre du chantier et le guider sur les différents aspects techniques du navire impliquant une multitude de métiers : Le Chantier Hénaff a réalisé la modernisation du pavois avant, les emménagements et les travaux de coque ; Thomas Volant, la forge et les constructions aluminium ; la SMAB, la motorisation ; Technimer, l’installation électrique ; Bretagne Hydraulique, l’hydraulique ; Dominique Mao la peinture ; Protection Incendie Cornouaille, les équipements de sécurité incendie.… (note1 )
La transformation du vieux chalutier en bolincheur a nécessité un important travail en amont par le bureau d’architecture et d’études navales Coprexma, comme l’explique Yves Le Perron, architecte spécialiste du bois :
« La faisabilité du projet est un enjeu majeur. C’est la première étape indispensable pour guider l’armateur dans son choix. Lorsqu’il nous a contacté il y a un an et demi, avant l’achat du navire, nous devions d’abord répondre à cette question. Dans le métier de la bolinche, le plus important étant le volume de cuve nécessaire pour la viabilité du projet, nous avons commencé par la pesée du Commodore, en plein confinement ! Nous avons ainsi pu envisager les modifications à réaliser et faire les propositions adaptées à son projet, afin qu’il prenne les bonnes décisions.
Plusieurs options étaient possibles. « Gonfler » l’arrière du navire aurait permis de gagner du volume mais les travaux auraient été trop couteux. Il a donc fallu faire des compromis. Sans toucher à la carène, mais en changeant les superstructures, nous avons récupéré du poids et modifié l’assiette du navire pour assurer sa stabilité. La stabilité et donc la sécurité du navire est un point majeur en architecture navale ! »
Après les études, Coprexma a réalisé tous les plans de transformation, superstructures, intégration des cuves à poisson, implantation des équipements de pont… Les architectes ont également fait des recommandations en matière d’aménagement pour le confort des marins.
Une attention particulière a été apportée à la nouvelle passerelle dont la timonerie offre une vue dégagée à 360° qui apporte un grand confort, améliore la sécurité et les conditions de travail de l’équipage. Le patron a une vision complète surplombant le pont de travail. Le navire est aussi passé en échappement humide, ce qui améliore encore la visibilité en timonerie et contribue à réduire les nuisances sonores.
Enfin, le bureau d’études a également géré tout le dossier administratif, notamment avec les Affaires Maritimes (Centre de Sécurité des navires) et Bureau Veritas.
« A tout juste 30 ans, déclare Jean-Marc Bouguéon, je veux aller jusqu’au bout de ma carrière. Après mes études au Lycée public maritime du Guilvinec en 2010, j’ai tout de suite embarqué sur L’Etendard que j’ai acheté plus tard en 2016. Je suis l’un des plus jeunes patrons à la bolinche avec le bateau le plus vieux ! J’avais besoin d’une nouvelle unité pour me projeter, explique-t-il. Refaire le vieux navire aurait été trop coûteux en termes d’exploitation. Ma priorité étant la sécurité, c’est ce qui a guidé mes choix et j’en suis très satisfait. La transformation du SanTiago est le meilleur compromis qui me permet d’améliorer le confort et la sécurité et d’investir pour l’avenir, conclue-t-il. »
Les navires en bois, d’une très grande longévité, offrent toutes les possibilités de transformation aujourd’hui et un avenir durable à la pêche.
L’ancien chalutier aura connu quatre propriétaires. Bernard Le Berre qui le fit construire en 1980 au chantier naval Charpentiers Associés au Guilvinec l’avais transmis à son fils Stéphane. C’est José Palud qui en a ensuite fait l’acquisition après qu’un incendie ait totalement détruit son chalutier le Porz Streilhen, le 28 novembre 2017 dans la baie d’Audierne. Jean-Marc Bouguéon a finalement racheté Commodore fin 2020 afin de le transformer en bolincheur, pour remplacer L’Étendard.
Et c’est bien loin du Chili, dont le patron garde le souvenir marquant d’un voyage d’études, mais « fiers d’y être matelots » que les sept marins de l’équipage, dont un apprenti du lycée du Guil, iront taquiner le poisson bleu. Un sentiment de fierté que Jean-Marc Bouguéon partage avec toute sa famille et en particulier avec le petit Tiago, son fils âgé de deux ans, qui a aussi donné son nom au navire. Hissez haut, SanTiago !
Note 1 : Les entreprises intervenues pour la transformation du navire, pour la plupart membres de l’Interprofession Portuaire Ouest Cornouaille (IPOC) et toutes habituées à travailler ensemble, se retrouveront au salon ITECHMER à Lorient du 6 au 8 octobre prochains pour préparer de futurs chantiers !
Lu sur Mer et Marine