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Le NAONED se prépare pour sa transition énergétique bas carbone

Juil 10, 2024 / par admin / dans Actualités / Leave a comment

Le naoned mis au sec sur l’anneau de keroman à Lorient le 8 juillet © Coprexma

Mis au sec le 8 juillet sur l’anneau de Keroman, le NAONED reprendra bientôt la mer, instrumenté pour prendre également la mesure énergétique. Le navire de l’armement APAK a été choisi dans le cadre du projet HYBA, piloté par le Comité Régional des Pêches, initié par Vectura System, piloté par le CRPMEM de Bretagne et dans lequel le bureau d’architecture et d’étude navales COPREXMA est partie-prenante avec une dizaine d’acteurs de l’industrie navale et de la pêche. « Hybridation Bas carbone », c’est l’objectif de ce projet qui repose sur le dimensionnement d’un système hybride parallèle sur-mesure en fonction du profil d’exploitation du navire.

Dans le cadre de l’étude de faisabilité de l’adaptation du chalutier polyvalent de 23m, des données seront collectées et transmises pendant plusieurs mois en temps réel. Ces informations vont alimenter le jumeau numérique qui servira de base pour construire, à terme, un vrai démonstrateur avec les nouvelles technologies embarquées pour décarboner la flottille chalutière.

 

Un projet de transition pour décarboner la pêche

Pour Eric Guygniec, l’armateur, « ce projet de transition est un enjeu majeur. Quel que soit le gain sur la consommation de carburant, il va nous permettre de réduire nos émissions de carbone mais également de faire de substantielles économies. Avec une consommation de 450 000 l de gasoil par an, 10% de réduction ce sont plus de 45 000 euros d’économie. »

Le moteur ABC du Naoned ©Sea to sea

Dans le cas du NAODED, le moteur existant sera remplacé par un moteur de nouvelle génération, IMO Tier 3, dont le rendement sera optimisé par l’apport en énergie de batteries adaptées d’une technologie éprouvée dans le secteur maritime. Le NAONED qui est le plus ancien de la flotte de l’armement est aussi le plus spacieux pour accueillir le parc de batteries.

« On y croit, argue Eric : Le pack batterie combiné à un réducteur hybride parallèle de la société Masson, nous permettra de gommer tous les pics thermiques pour rester sur un mode opérationnel plus économique. A quai ou en approche des côtes, nous pourront passer sur un mode 100% électrique. Si on peut gagner entre 10 et 20% de consommation de carburant, c’est déjà cela. »

 

Vers un démonstrateur breton…

La polyvalence du Naoned qui pratique plusieurs métiers, pélagique, chalut de fond à langoustines, senne danoise semble optimale pour l’expérimentation. La première phase va permettre d’identifier exactement où il est possible d’optimiser l’énergie. Les données collectées serviront à l’ensemble de la filière pour des navires similaires.

« Ces adaptations devraient être applicables sur toute la flottille hauturière ; un enjeu majeur en particulier en Bretagne, qui a donc mobilisé tous les acteurs du secteur. Nous prendrons en main la suite du projet en investissant dans les travaux de transformation, » précise l’armateur.

L’étude devrait ainsi confirmer l’investissement nécessaire à la transformation et estimé aujourd’hui à 1,3 millions d’euros en raison de nombreuses modifications liées au poids, à la stabilité des batteries. « Nous avons déjà travaillé énormément sur nos navires récents en optimisant les carènes, les filets, etc. Cela nous a permis de gagner jusque 320 litres de gasoil par jour. Mais le coût a tellement augmenté qu’on est rattrapé…. Avec un navire de 30 ans et plus on ne fera pas de miracle, c’est un projet transitoire, » explique l’armateur breton. La transformation reste plus intéressante pour le moment qu’un navire neuf. Dans quelques années, espère Eric, les navires intégreront des technologies performantes, nous permettant d’atteindre les objectifs de décarbonation. »

 

Analyser les principaux consommateurs 

« Aujourd’hui, indique Eric, nous consommons le plus en action de pêche, quel que soit le métier et l’engin utilisé, mais à des moments différents : virage de filet à la senne danoise ; accélération vers les bans au pélagique et trainée au chalut de fond. Qui plus est chaque bateau est différent. »

L’étude portera sur de nombreux paramètres pendant une dizaine de mois. « Bien que nous soyons focalisés sur le chalut, la polyvalence du navire permet de mesurer un grand nombre de paramètres et de collecter tout un tas d’informations très précises. » Sur la base de la technologie de l’économètre analytique développé par Marinelec Technologies, les données de consommation seront combinées à d’autres indications environnementales, d’état de mer, de conditions opérationnelles et d’exploitations…

Du 8 au 16 juillet, le Naoded réalise un arrêt technique sur l’anneau de Keroman au cours duquel il sera équipé de près de 70 capteurs qui transmettront les informations au système de MARINELEC encore en développement :

  • Informations moteur : régime, pression suralimentation, consommation, régulateur de vitesse…
  • Informations environnementales : Capteurs pour mesure des émissions NOx et O2
  • Informations performance navire : Position, vitesse fond, vitesse surface, pas d’hélice, angle de barre, vitesse et force du vent, vitesses et accélérations angulaires du bateau…
  • Informations métier : Pressions hydrauliques, longueur et vitesse des treuils senne et pêche, capteurs de position 3D du chalut
  • Informations production électrique : Puissances des alternateurs
  • Informations « contexte » de la donnée par action manuelle du patron

L’enregistrement des données se fera 24/24 à haute fréquence 10Hz.

 

S’adapter aux contraintes techniques, opérationnelles, réglementaires

Sébastien Berthebaud, CEO de Vectura System, proposant des solutions de décarbonation des véhicules professionnels (flottes de camions logistiques, navires de travail) est ingénieur motoriste spécialiste des transmissions hybrides, issu de l’Institut Français du Pétrole. Initiateur du projet HYBA, sa mission consiste à transposer son expertise dans le domaine de l’automobile vers des activités maritimes.

« Si nous arrivons à créer un véritable jumeau numérique du navire en partenariat avec l’équipe de recherche de l’IMT Atlantique de Nantes, calibrer par des algorithmes de machine-learning, affirme-t-il, nous pourrons véritablement optimiser la consommation énergétique des navires professionnels – on parle ici de navires de travail de 25 mètres à la pêche mais aussi de navires à passagers, remorqueurs… – selon leur usage. »

Pour cela il est allé sur le terrain, à la rencontre des professionnels, motoristes, concepteurs d’engins… et les pêcheurs comme Yohan, patron du Naoned avec lequel il a embarqué pour une marée de 15 jours, « pour bien comprendre les enjeux et le fonctionnement des apparaux. Yohan est un jeune patron qui se pose des questions et veut penser à l’avenir : comment réduire la consommation, améliorer la façon de travailler, réduire aussi son impact sur l’environnement, » souligne l’ingénieur.

Yohan, patron du Naoned

Dès la remise à l’eau du Naoned des essais basiques auront lieu pour vérifier le fonctionnement.  « Un test sur point fixe : essai de traction à pleine puissance sera réalisé avant que le navire parte en campagne.  En parallèle les chaluts qui seront utilisés à bord seront resimulés.  Le patron va pouvoir monitorer et commenter les données exactes à bord et plus seulement se baser sur des moyennes.  Ainsi si à l’avenir nous modifions les engins de pêche nous pourrons aussi nous poser la question concrète de quelle consommation pour 1 kilo de poisson » commente Sébastien.

Le train de pêche du Naoned ©Sea to sea

Il travaille en étroite collaboration avec Coprexma dont le rôle, à ce stade, est de réfléchir à comment modifier le navire, combien de batteries, quelle configuration ?  « Dès le départ, indique Sébastien, nous avons besoin d’un architecte qui puisse nous guider. La vision de l’architecte naval est indispensable pour se conformer aux règlementations, aux contraintes physiques du navire, à la sécurité et la stabilité et pour fournir les plans indispensables pour l’intégration des différents équipements selon la configuration choisie. La forme de coque pour modéliser le navire est réalisée à partir de plans 3D fournis par Coprexma. L’objectif est de créer un jumeau numérique du Naoned dont nous aurons d’ici 6 à 8 mois tous les cas d’exploitation. ».

 

Le jumeau indispensable

Le consortium a mis du temps à se mettre en place depuis aout 2022. Le lancement des tests a été retardé à cet été en raison de l’arrêt de la pêche dans le golfe de Gascogne cet hiver.  Cela a permis de réunir tout le monde autour de la table pour partager les idées.

« Si je modifie mon bateau, quel est mon modèle technico-économique ? De nouvelles questions sont apparues, commente Sébastien Berthebaud, notamment sur l’optimisation des apparaux de pêche.  Le chalut a un facteur prépondérant dans la consommation, d’où la présence d’industriels comme Le Drezen.  Cela nous a aussi montré l’intérêt des jumeaux numériques pour estimer l’intérêt des technologies pour décarboner la pêche. Il existe de nombreuses solutions mais nous n’avons aucune indication sur leur impact en condition opérationnelle.

3D élément jumeau numérique du Naoned ©Coprexma

D’abord nous calculons, puis nous pourrons dire quelles modifications permettront d’économiser telle quantité de carburant et investir tel montant de façon précise. Cela devrait aussi permettre de faire financer le jumeau numérique au bénéfice de tous puisqu’il va nous permettre dans une prochaine phase de créer un vrai démonstrateur avec les nouvelles technologies. »

 

Cap vers la Méditerranée

Le projet Hyba a attiré l’attention de professionnels en Occitanie pour les chalutiers de Méditerranée. Courant juillet, des marins de Sète et du Grau du Roi, accompagnés par le CEPRALMAR, vont venir en voyage d’études en Bretagne pour voir le Naoned. Il s’agira de se servir des retours du projet breton pour les appliquer aux chalutiers de Méditerranée qui partent à la journée. D’après les ingénieurs du projet, ces navires pourraient être équipés de technologie hybride rechargeable.

« C’est le début d’une dynamique de progrès portée par le groupe et les projets qui suivront ! Pourquoi pas créer un projet européen ? s’enthousiasme Sébastien Berthebaud. Ce qui compte c’est de trouver comment faire pour que ce métier perdure ».

Le projet Hyba, labellisé par le Pôle Mer Bretagne Atlantique et financé par France Filière Pêche associe 10 partenaires : le Comité régional des pêches (CRPMEM) de Bretagne, pilote du projet, Vectura System, Piriou, Masson Marine, Marinelec, Le Drezen, IMT Atlantique, l’Ecole navale, Coprexma et l’APAK

 

[VU DANS MER & MARINE]

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